Cannes Pêche

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Premiers quotas de pêche pour l’espadon de Méditerranée à partir de 2017


La limite des prises de cette espèce très convoitée est fixée à 10 500 tonnes pour 2017 et elle baissera de 3 % par an de 2018 à 2022.

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Partiellement surexploité dans l’Atlantique, au bord de l’effondrement en Méditerranée, l’espadon (Xiphias gladius) a obtenu, lundi 21 novembre, ses premières mesures de protection sérieuses.

Jusqu’à présent en Méditerranée, à la différence des zones de pêche de l’océan, aucun quota de capture ne freinait l’appétit pour ce gros poisson apprécié des consommateurs. La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicta), qui veille aussi sur plusieurs espèces de requins et d’espadons comme son nom ne l’indique pas, vient d’adopter une limite maximale de capture inédite.

Il aura fallu plusieurs jours d’intenses discussions à Vilamoura au Portugal, pour que les cinquante pays qui siègent dans cette instance aux côtés de l’Union Européenne (UE) parviennent à cet accord.



 

L’espadon méditerranéen – qui peut atteindre 500 kilogrammes – forme un stock unique, génétiquement distinct de celui de l’Atlantique. Pour le sauver, le commissaire européen Karmelu Vella, chargé de l’environnement, des affaires maritimes et des pêches a proposé d’en limiter les prises à 10 500 tonnes par an. Lui qui avait déjà plaidé pour l’adoption d’un plan de reconstitution en 2015, a finalement été suivi cette fois-ci et se réjouit de ce « pas décisif vers la préservation du stock ».

Chute des captures

Bruxelles préconise de surcroît une réduction du quota de 3 % par an entre 2018 et 2022, ainsi qu’une série de mesures de contrôle et de surveillance contre la pêche illégale, car la pression commerciale est forte sur cette espèce qui peut atteindre 24 euros le kilo.

Très convoitée, elle est actuellement pêchée principalement par les flottes d’Italie (pour près de la moitié), du Maroc, d’Espagne, de Grèce, de Tunisie, ainsi que celles d’une quinzaine d’autres Etats – dont la France –, qui viennent elles aussi puiser dans ce stock… Un groupe de travail spécifique devrait établir la répartition entre les pays pêcheurs début 2017.

Dans les faits cependant, ces derniers trouvent de moins en moins d’espadons à remonter sur le pont. Après une forte progression au début des années 1980 et un record atteint en 1988 avec 20 400 tonnes, les captures ont ensuite plafonné en Méditerranée, fluctuant entre 12 000 et 16 000 tonnes par an, avant de chuter, officiellement, à 9 800 tonnes en 2014. Cette année-là, il se pêchait 10 800 tonnes dans l’Atlantique Nord et 9 900 dans l’Atlantique Sud.

Mauvais signe : le poids moyen des prises débarquées ne cesse de diminuer partout. Le Fonds mondial pour la nature, le WWF, assure que 70 % des spécimens capturés sont des juvéniles qui n’ont pas encore atteint la capacité de se reproduire.

Des quotas tardifs

Aussi serait-il bien difficile de prédire si ces nouvelles règles suffiront à sauver l’espadon de la Grande bleue. D’abord, elles arrivent bien tardivement alors que non seulement les ONG mais aussi les scientifiques de la Cicta alertent depuis longtemps sur le déclin de ce stock. Ainsi Oceana – une ONG créée notamment par le Pew Charitable Trust et l’Oak Fondation –, mène campagne pour sa conservation depuis douze ans.

Par ailleurs, il faudrait que ces décisions s’appliquent. Or les pêcheurs se sont toujours montrés rétifs aux réglementations dans cette région du monde. Même sur les côtes de l’UE, les professionnels ont fait en sorte d’échapper aux quotas jusqu’à présent, sauf dans le cas notable du thon rouge.

Cette espèce était au bord de l’extinction lorsque les membres de la Cicta se sont résolus à lui fixer une limite de capture en 2006, à l’issue d’une forte mobilisation des défenseurs de l’écosystème marin. Le taux maximum initialement fixé à 32 400 tonnes a été sévèrement durci jusqu’en 2012 (12 900 tonnes) avant de remonter légèrement, le comité scientifique de la Cicta ayant diagnostiqué un rétablissement du thon rouge en Méditerranée depuis lors.

A Vilamoura, lundi, la décision a été prise de maintenir le même taux de capture qu’en 2015 : 15 821 tonnes.

 

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Des mesures insuffisantes

Face à la dégradation du stock d’espadon, certains Etats avaient déjà fixé des fermetures saisonnières de plusieurs mois à partir de 2008, tandis que l’organisation internationale de pêche avait aussi imposé des tailles de captures minimales.

Mais les arcanes de la pêche ne sont pas simples : les experts qui travaillent pour la Cicta se demandent si cela n’a pas conduit les navires à rejeter davantage de poissons juvéniles... Bref, les incitations à la modération ne se sont pas révélées suffisantes.

Dénonçant les réactions trop lentes de la Cicta, les ONG lui reprochent aussi son manque d’ambition. Et pointent une absence de transparence du marché. Oceana souligne en particulier que l’Italie importe quatre fois plus d’espadon frais (16 363 tonnes) que ce qu’elle capture elle-même. Elle dépend donc de la production espagnole qui se fournit à son tour en partie au Maroc. Or les données de pêche du royaume ne sont pas fiables, estime l’ONG vu que ses exportations excèdent ses prises déclarées.

Résultat : océan ou mer, il est bien difficile de savoir de quel côté du détroit de Gibraltar proviennent les poissons vendus. Il n’empêche, alors que l’état de l’écosystème méditerranéen a suscité la publication de nombreux rapports alarmants récemment, ces efforts de conservation, même limités, marquent peut-être un début de prise de conscience.

 

Dans le cadre d'un plan de reconstitution sur 15 ans (2017-2031) de la population d'espadon, ce quota sera réduit de 3% par an, de 2018 à 2022. Il sera ensuite réexaminé à la lumière d'une évaluation scientifique du stock reproducteur, prévue pour 2019.

C'est "un pas décisif vers la préservation du stock", a estimé l'Union européenne, à l'origine de ce plan. Les pêcheurs de l'UE réalisent près de 80% des prises.

Selon les ONG, il était temps d'agir: en 30 ans, la population de ce poisson très prisé a chuté de 70%. Et 70% des poissons capturés ont moins de trois ans, ce qui signifie qu'ils ne sont pas arrivés à maturité pour se reproduire.

Elles ne cachent pas cependant une certaine déception du fait que le quota pour 2017 soit sensiblement égal aux volumes pêchés au cours de chacune de ces quatre dernières années (environ 10.000 tonnes).

"C'est un peu bizarre" et une baisse de 3% par an à partir de 2018, "c'est très faible", admet Alessandro Buzzi, du WWF. "A l'évidence, c'est un compromis pour parvenir au consensus, sinon la proposition était trop difficile à faire adopter par tous les membres".

Un premier texte de l'Union européenne proposait d'abaisser les quotas de 25% en cinq ans, précise M. Buzzi. Malgré tout, ajoute-t-il, "nous sommes plutôt contents".

"C'est un premier pas vers la reconstitution du stock", se félicite aussi Ilaria Vielmini, de l'ONG Oceana. "Nous espérons que c'est un tournant dans la manière dont la Méditerranée a été traitée jusque-là", dit-elle.

- "Trop limité" -

Ce plan "arrive une décennie trop tard", déplore cependant Lasse Gustavsson, directeur exécutif de cette ONG pour l'Europe, dans un communiqué. "A l'occasion de la Journée Mondiale des Pêches, nous aurions espéré un plan de crise plus ambitieux, (il) est trop limité, trop loin des avis scientifiques et met encore le stock en péril".

Pour Bertand Wendling, de l'organisation de pêcheurs française Sa.Tho.an, "il fallait faire en sorte que les captures ne s'emballent pas, avec les filets dérivants utilisés notamment par le Maroc et la Tunisie".

Il "prend acte" de ce "cadre réglementaire" mais se dit "extrêmement inquiet" de la répartition à venir entre les différents membres de la Cicta.

Si un consensus a été atteint sur le quota, sa répartition pourrait en effet donner lieu à de vives discussions.

L'Italie réalise près de la moitié des prises (45%), suivie du Maroc (14%), de l'Espagne (13%), de la Grèce (10%) et de la Tunisie (7%).

Un groupe de travail doit être constitué début 2017.

Outre les quotas, le plan reconduit ou améliore des mesures déjà en vigueur comme une interdiction de pêche trois mois par an et une taille minimale pour les poissons pêchés, qui avaient contribué à limiter les volumes capturés ces dernières années.

Rien de neuf en revanche pour les quotas de thon rouge de Méditerranée et de l'Atlantique est, fixés pour trois ans par la Cicta en 2014, si ce n'est une petite rallonge accordée à l'Algérie.

"Le plan de reconstitution est toujours en place, en attentant l'évaluation des stocks" en 2017, indique M. Buzzi.

En 2014, les quotas avaient été fixés à 16.142 tonnes pour 2015, 19.296 tonnes en 2016 et 23.155 tonnes en 2017.

Concernant le thon obèse, autre espèce surexploitée, "il n'y a eu aucune nouvelle décision de gestion pour améliorer" son stock, a déploré l'ONG Pew, "très déçue".

Elle déplore aussi que pour les requins bleus, la Cicta se soit contentée de fixer un niveau de captures à partir duquel elle pourrait décider de nouvelles mesures.

 

Merci à MV

 

Alain





14/02/2017
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